L’autonomie. Pour les choses les plus simples, elle devient notre alliée dès notre plus jeune âge. S’habiller, se brosser les dents, se doucher, manger, faire ses devoirs : bien vite, papa et maman sont mis de côté. Et ça ne va pas en s’arrangeant. Plus nous grandissons et plus cette autonomie se transforme en ce mot magique qui fait rêver tout adolescent : indépendance.
L’indépendance, voler de ses propres ailes et construire sa vie. Seulement parfois un couac, un imprévu survient et nous revoilà à l’état de bambin. Car pour être tout à fait honnête, faire face au handicap c’est devoir recommencer une éducation élémentaire qui était pourtant devenue inconsciente. Ce retour est plus ou moins important : un paraplégique n’ayant rien perdu de ses membres supérieurs n’aura pas à en réapprendre autant que le tétraplégique par exemple.
Quand la tête veut mais que le corps ne suit plus
Dans les premiers temps à l’hôpital, seule ma tête fonctionnait réellement et correctement tout comme mon cœur. J’ai donc vu ma famille devoir me redonner à manger, les aides soignantes me doucher, m’habiller, me changer. Je n’ose même pas vous parler de ce qui concerne l’élimination ou même le « bouger ». Lorsque j’ai retrouvé peu à peu l’usage des muscles que j’ai actuellement, j’ai dû les ré-apprivoiser et m’en servir souvent de façon différente par rapport à l’utilisation d’une personne valide.
Autant vous dire, l’autonomie est un mot devenu inconnu : évidence d’un avant, rêve d’un avenir. Vous ne décidez plus de quand vous lever, quand vous laver, quand vous coucher et vous avez intérêt à savoir comment vous voulez vous habiller car vous ne pourrez pas changer d’avis en cours de route !
Ces petites victoires qui redonnent espoir
Pendant des mois et des mois, il faut se battre, essayer de trouver des « trucs », échouer mais s’entêter et recommencer. Petit à petit, regagner du terrain sans abandonner devant la lenteur de ce qui devrait être « normal ». Au début, tenir sa fourchette et réussir à s’en servir pour en arriver à de nouveau écrire. Mais entre les deux, en être passé par la brosse à dents, le mascara, la brosse à cheveux, la télécommande et quelques mois…
Finalement, trois ans plus tard, je me débrouille seule pour certaines choses du quotidien. Par exemple, je peux :
Je sais que quelque part, j’ai de la chance dans mon cas, par rapport à d’autres personnes en situation de handicap.
L’intimité redevient un besoin vital
Avec le retour de l’autonomie, devinez qui repointe le bout de son nez ? La pudeur ! Et bien oui, quand vous n’avez pas le choix que de vous faire doucher par quelqu’un que vous ne connaissez que par obligation, vous laissez faire en vous disant que ce n’est qu’éphémère. Et puis quelque part, c’est ça ou rester sale. Du coup, vous ne vous posez pas vraiment la question. Mais dès que vous êtes en mesure de le faire, même si ça vous demande un temps et un effort certain, vous le faites ! Et comme vous le faites (presque) tout seul, vous ne supportez plus qu’il en soit autrement. Sinon, vous imaginez si on transposait ça côté valide ? Demain vous avez la flemme de vous habiller alors vous appelez votre mère pour qu’elle vous enfile votre pantalon et vous ajuste le pull : après tout, peu importe si elle vous voit nu(e) puisque ça a longtemps été le cas lorsque vous étiez enfant.
Mon moment le plus marquant où je me suis dit que je retrouvais un peu de pudeur c’est le jour où j’ai réussi à me déshabiller le haut du corps et d’enfiler mon haut de pyjama. Certes je n’ai pas réussi à le baisser jusqu’en bas de mon dos mais au moins ma partie intime était cachée. Ce moment m’a permis de réaliser à quel point retrouver un geste d’autonomie, aussi simple soit-il, redonne une immense dignité.
Entre aide et malentendus
Le problème dans un centre hospitalier, c’est qu’ils veulent aller vite. Il n’est donc pas rare qu’en étant dans la salle de bain porte fermée, quelqu’un rentre pour demander à l’aide soignante avec qui vous êtes si elle a besoin d’aide ou encore la femme de ménage qui vient faire son travail (j’avoue qu’à ce moment là, la réponse dans ma tête est rarement très… polie ?).
Pour eux, voir des gens à poil est leur quotidien. Pour moi, être surprise dans une telle situation est profondément humiliant. Enfin pour quelqu’un qui se bat chaque jour afin d’avancer, inutile de préciser combien c’est difficile à supporter.
Il y a aussi tous ces petits gestes que les gens en règle générale ont du mal à vous laisser faire. Pour ceux qui ne vous côtoient pas au quotidien, c’est normal et il faut être patient, leur expliquer, leur montrer. Mais pour ce qui est des professionnels c’est autre chose. Ils ont les réflexes du métier. Après, tant qu’ils acceptent et assimilent le fait que vous n’avez pas besoin d’aide, ça va. Quand une aide-soignante m’a proposée pour la première fois de me nettoyer seule le visage avec un gant, j’ai bégayé. Je me suis dit qu’est ce qu’elle me raconte celle là ? Ma réponse est un oui directement ; elle enfile le gant mouillé autour de ma main puis je me lance et paf j’y arrive ! Vous imaginez bien combien j’étais contente !
Ces petites victoires, comme me laver seule le visage, ne sont pas anodines : elles me rappellent chaque jour que rien n’est impossible avec de la détermination.
Ils en font qu’à leur tête
Certains professionnels pensent, à tort, savoir mieux que nous ce qui nous convient. Ils oublient trop souvent qu’ils ont beau « en avoir vu passer », avoir fait des études, penser avoir tout vu, chaque cas est unique et personne ne peut vraiment se mettre à notre place. Quand ils te disent non ou qu’ils soupirent ou encore tu leur tends ta main pour qu’ils te passent le pommeau de douche puis qu’ils t’évitent…
Un chemin vers la normalité
Le handicap, c’est quelque chose qui se vit : c’est comme l’expérience, ce n’est pas quelque chose que l’on peut apprendre dans des livres. Et l’importance de l’autonomie est une partie infime de ce qui nous motive. Être autonome, c’est se rapprocher un peu plus de cette « normalité » tant rêvée : celle-là même que l’on essaye de fuir quand on est valide sous prétexte que l’on veut se démarquer. Sauf qu’en fait, être normal ben ce n’est pas si mal !
Reprendre son autonomie, même en partie, c’est regagner une partie de soi-même. Et cette conquête, bien que difficile, est le plus beau des apprentissages.
La dépendance est parfois un passage obligé. Mais la pudeur est ce qui nous rappelle que, malgré tout, nous restons maîtres de notre humanité.
💬 Et vous, qu’évoque pour vous l’autonomie ?
Avez-vous traversé des moments où vous avez dû réapprendre certains gestes ? Surmonter des défis pour regagner un peu plus de liberté ? Partagez vos expériences en commentaire, je serais ravie de vous lire !
Que te dire Laura , toujours admirative de ta force et à présent, de la façon dont tu te racontes ! Je t’embrasse 😘
Merci, je t’embrasse ❤️